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[fr] Jean-Martin Aussant - La fin des exils ★★★★☆ Read in December 2017

La fin des exils

Un essai étonnant qui appelle à se ressaisir, à prendre en main la chose politique et sociale au Québec, à cesser d'entretenir nos peurs de souveraineté.

Publié chez Atelier 10 dans la collection des Documents, et il me semble bon de former un trio avec deux autres essais qui vont dans la même direction (remettre en question, se faire confiance collectivement) : {Territoire fier, Luttes fécondes, Fin des exils}.


Note : le texte d'Aussant est déjà très dense et clair, alors cette note de lecture contient beaucoup de citations directes, sans retranscription.

L'exil qu'on ne nomme pas

On peut entendre le mot "exil" autrement qu'en termes géographiques, et s'en servir pour désigner "le fait de se désintéresser de la collectivité et du bien commun".

Un citoyen "exilé" purement individualiste peut être d'avantage nuisible à la société qu'un citoyen purement absent.

Aujourd'hui en occident, deux peurs courantes sont au coeur de nos exils et aggravent inégalités socioéconomiques et dommages environnementaux, les deux grand enjeux de notre époque :

  1. Peurs économiques.
  2. Peur d'être incapables de changer les choses.

Sortir de ce trou passera par une combinaison d'actions individuelles et politiques.

1. Redevenir noble

La politique "consiste en la recherche de l'intérêt collectif et des meilleurs moyens d'y arriver". Il s'agit de créer du beau.

Refuser cet idéal et les grands projets au profit d'une gestion technocratique purement comptable n'est pas du pragmatisme, c'est un exil. Il est doublement difficile de le combattre, car cela implique 1. aller à l'encontre de l'inertie du système et 2. remettre en question les privilèges de la frange des décideurs au pouvoir ou proche du pouvoir.

L'optimisme demeure le meilleur réalisme, dans la mesure où nous choisirons collectivement de mettre de grands projets en branle. Ceux qui s'exilent derrière des formules voisines du "nous n'avons pas le choix" auront choisi de ne pas en avoir. Quant aux élus qui utilisent ce discours éteignoir, ils ont visiblement opté pour la mauvaise occupation : à quoi, au juste, sert un décideur qui dit ne pas avoir d'options ?

La technique actuelle de goûter l'air du temps et dire à la population ce qu'elle veut entendre est caractéristique de politiques populistes / carriéristes, qui font passer leur avancement personnel avant leurs convictions.

Le leadership véritable consiste à décrire ce qu'on pense être les projets porteurs d'avenir, qu'ils fédèrent l'opinion publique ou non dans le moment présent, puis d'avoir la colonne vertébrale nécessaire pour les expliquer et convaincre la population de leur bienfondé.

Tout le reste n'est qu'un exil de la vraie politique.

2. Ne pas cloner les épouvantails stériles

Le discours politique partisan rejoint facilement une de ces deux caricatures :

  • Tout va pour le mieux, l'hécatombe nous guette si on touche au gouvernement
  • La fin du monde est à nos portes, par la faute du gouvernement

Le débat est abêti et appauvri par le brandissement du spectre du chaos et de la peur d'être exclu du "club économique". La stratégie de la peur est un exil.

Trop de formations politiques transforment une campagne électorale en concours de la plus grande menace à éviter, alors que l'on devrait choisir parmi les meilleurs projets de société.

L' "extrême-centre stérile" qu'on voit pousser ça et là est signe d'un manque de confiance en soi et d'un manque de respect envers l'électorat.

Ce qui m'amène à me dire progressiste, c'est entre autres qu'il m'a toujours paru évident que les conservateurs n'avaient que les progressistesà remercier : si nos ancêtres avaient été conservateurs, nous n'en serions jamais arrivés à la civilisation qu'ils veulent aujourd'hui sauvegarder. Les identités riches et les patrimoines précieux ne sont-ils pas le résultat de gains successifs réalisés grâce aux progressistes de diverses époques ?

On peut se demander si les conservateurs du paléolithique lançaient de l'eau à ceux qui ont tenté les premiers de faire du feu, de peur qu'ils ne changent trop leur société.

3. Cesser de nourrir le cynisme

Voir une scène politique peu ragoûtante devrait être un incitatif à s'y investir, "sinon ce sont ceux qui aiment ce qu'ils voient qui iront et rien ne changera".

L'actuel système électoral canadien est mauvais car l'allocation des sièges ne reflète pas le vote populaire, poussant au cynisme et décourageant au vote.

Une bonne idée portée par un mauvais porte-parole ne devrait pas être cannée, on devrait lui donner la chance de revenir sous l'égide d'un meilleur messager.

L'électeur doit revoir sa façon d'apprécier le travail des élus. "L'omniprésence souriante n'est pas gage de compétence", elle est juste une conséquence symptomatique de la pression épuisante à être visibles que supportent les élus.

4. Ne pas exiler l'État dans une business

La responsabilité sociale d'une entreprise est d'accroître ses profits.

— Milton Friedman

Le mythe selon lequel il est grand temps de mettre un businessman aux commandes de l'état, qu'il gèrerait comme une entreprise, est vivace.

Remarquons que la nature de l'entreprise est d'optimiser, idéalement pile à la limite de ce qui est acceptable pour le client. Veut-on vraiment de cette coupe rase dans des secteurs comme l'éducation et la santé, "où de surcroît la clientèle est pratiquement captive" ?!

Deuxièmement, ce qui est rentable socialement pour l'état ne l'est pas nécéssairement économiquement, et réciproquement (cigarettes, jeux, etc).

La conception populaire idéalise le secteur privé comme intrinsèquement efficace, mais remarquons la quantité d'entreprises privées échouant à ne serait-ce que passer le cap des dix ans.

Arrêtons de vouloir fitter un carré dans un cercle, nos services gouvernementaux ne sont pas des entreprises privées, leurs objectifs et modes de fonctionnement sont différents. Reconnaissons à l'état son statut à part.

Soyons moins naïfs en ce qui concerne l'exploitation privée de nos ressources naturelles. Récompensons l'expertise et la prise de risque des compagnies privées, mais remettons les bénéfices de l'exploitation de ressources naturelles collectives et non-renouvelables à la collectivité (cf. exemple d'Hydro-Québec).

5. Favorisons une information de qualité

Entre chroniques, information en continu, éloignement des faits, concentration des médias, pas facile de manger de l'information équilibrée.

Le journalisme moderne contribue au cynisme en analysant souvant les propositions politiques sous la lorgnette de la stratégie partisanne et des objectifs électoraux, cherchant constamment à renifler le "pari" d'une politique ou la "clientèle" visée. Rare est la chronique politique centrée sur l'intérêt collectif.

Ce jeu du chat et de la souris entre journalistes et élus conditionne une défiance envers les élus et stérilise les comportements à l'ultra-prudence.

Il faudra donc un jour cesser de faire constamment référence à l'instinct politique de l'un ou de l'autre, et parler plutôt en termes d'instinct collectif. Arrêter de juger la qualité d'un élu à sa capacité de ne pas tomber dans un piège, pour plutôt prêter attention aux idées qu'il porte. Analyser le discours politique en s'interrogeant sur l'intérêt concret des politiques annoncées, et non sur leur opportunisme calculateur. Cet exil du journalisme factuel ralentit l'évolution, qu'elle soit politique ou sociale.

Coup additionnel porté à la confiance collective : le sensationnalisme binaire et manque de documentation de la couverture médiatique.

6. Se souvenir que 1789 n'a pas été une belle année pour le 1%

Les inégalités sont dans une certaine mesure inévitables et acceptables, mais leur intensité a atteint un niveau obscène. Huit individus possèdent autant que la moitié de l'humanité la plus démunie.

Des sociétés dont les richesses sont si inégalement distribuées s'apparentent aux culturistes qui ne développent que le haut de leur corps et se retrouvent avec des biceps gros comme leur tête, mais avec des jambes en cure-dents. Les bases de la charpente ne peuvent pas longtemps soutenir ce déséquilibre, et des problèmes structurels apparaissent plus tôt que tard.

[...]

A-t-on déjà vu un prédateur repu continuer de capturer et d'emmagasiner des proies pour le plaisir de se réaliser ou de se mesurer aux autres spécimens de son groupe ? La civilisation humaine devra retrouver cette sagesse instinctive que l'animal semble avoir en lui, pour le plus grand bien de son espèce.

7. Proposer un nouveau contrat social

Débattre d'un salaire minimum et d'un revenu de base n'est pas suffisant, il faut aussi ouvrir la discussion d'un revenu maximum acceptable. Compter sur l'éventuel bon vouloir (autrement dit, la philanthropie) des plus riches n'est pas satisfaisant à l'échelle d'une société; nous devons systématiser pour redistribuer à la collectivité la valeur créée grâce aux ressources communes et à l'effort commun.

Aucun effort particulier, aucune idée transformatrice ne peuvent justifier les ratios observés ces dernières années [...]. Le chef d'entreprise qui gagne 200 fois plus que l'employé moyen ne mange pourtant pas 200 fois plus, ni ne voyage 200 fois plus, ni n'achète 200 maisons. Et très certainement, il n'est pas non plus 200 fois plus productif.

La solution n'est pas d'éliminer l'économie de marché, mais de mieux encadrer la distribution de la richesse créée.

Il n'existe pas de réponse unanime à la question de la méthode de fixation d'un revenu maximum raisonnable : comparer au plus bas / moyen / médian ? Ratio ou somme fixe ? Par entreprise / secteur / région / national ? Aristote proposait rmax = 5 rmin, la Suisse parlait de 12, le Royaume-Uni 20 pour les entreprises recevant des contrats de l'état.

Avec le temps, le contrat social a évolué de manière à ce que soient enlevées quelques libertés individuelles au bénéfice de la société et de son bon fonctionnement.

Il est 3h du matin, vous êtes seul à un feu rouge : il y a de bonnes chances que vous attendiez quand même qu'il devienne vert avant de redémarrer. Ce système vaut mieux que l'anarchie sur les routes, et la collectivité l'accepte. Nous avons ainsi adopté les limites de vitesse, les zones sans fumée, et bien d'autres lois contraignant notre liberté personnelle. Mais nous les acceptons aux vues de leurs avantages pour la vie en société. Elles nous sortent de l'état de nature sauvage, comme le disaient les classiques.

Le prochain contrat social devra être économique. Il ne serait que la suite logique des structures misens en place pour enrayer les diverses formes de violence. Partout, des lois contre ces violences (physiques, verbales, psychologiques) ont été promulguées et acceptées par les sociétés, qui voyaient ainsi leur sécurité renforcée. Les inégalités économiques actuelles représentant bel et bien une forme de violence à combattre, il en découle la nécessité de légiférer pour les limiter.

L'argument selon lequel couper leurs salaires statosphériques pourrait faire fuir les gestionnaires talentueux est de la bullshit,

le Québec regorge de gens aussi intelligents et compétents qui accepteraient des salaires qui, bien qu'ils soient limités par le haut, demeureraient fantastiques pour tout individu sain d'esprit. [...]

Un citoyen qui menacerait de quitter le Québec si les limites de vitesse ne sont pas abolies sur les autoroutes serait risible. Rouler à 200 km/h n'est ni sécuritaire ni raisonnable pour la collectivité. Je suis de ceux qui pensent que la liberté de concentrer vers soi une richesse excessive tire à sa fin et que s'en réclamer deviendra, à terme, tout aussi risible. On ne construira pas une société résiliente en considérant d'abord ceux qui songent à la quitter, mais en se préoccupant de ceux qui veulent y rester, s'y investir et contribuer à la suite des choses.

Le mythe du ruissellement (selon lequel l'enrichissement des riches bénéficie comme physiquement par ruissellement aux plus démunis) est lui aussi de la bullshit –maintenant reconnue comme telle par la Banque Mondiale et le FMI– émanant de modèles théoriques déconnectés de la réalité.

Quant à l'argument voulant que le désir d'une plus grande équité témoigne d'un malaise avec le succès, il est totalement désuet. S'oppser à l'injustice ne sinifie pas être contre le succès, au contraire. Le vrai succès, c'est d'être assez intelligents et évolués pour mieux répartir au fur et à mesure la richesse qui est, répétons-le, toujours créée collectivement.

[...]

Si pour certains, le succès implique qu'ils puissent accumuler pour eux seuls une richesse excessive, rappelons-leur que l'accumulation de millions serait impossible sur une ile déserte, sans professeurs, collègues, clients, fournisseurs, infrastructures publiques, gouvernements, etc. Et la limitation des revenus n'empêcherait pas ceux qui atteindraient la borne supérieure de vivre dans l'aondance : on parlerait tout de même de beaucoup d'argent. C'est la richesse obscène côtoyant une pauvreté abjecte qu'il faut éliminer.

L'évasion fiscale mine la confiance et non, la somme des petites évasions fiscales des particuliers ne pèse pas plus lourd que les grandes manoeuvres de cabinets spécialisés abonnés à la fiscalité créative.

8. Transformer le modèle de développement

Mieux s'adapter au modèle actuel n'est pas suffisant, il faut le transformer. En cessant d'enseigner des dogmes économiques & financiers dysfonctionnels, et en enseignant la considération des aspects sociaux et environnementaux.

Les lois du marchés n'ont rien de "naturel", elles sont le produit d'institutions et d'intérêts visant à protéger leur part. Encore une fois,

Dans la nature, la vraie, jamais un animal ne pourrait accumuler autant de ressources que 99 de ses congénères.

Il faut restaurer un équilibre sain entre les trois "piliers" de la société décrits par Henry Mintzberg : gouvernement, entreprise privée, collectif/communautaire.

Pour que le pilier collectif puisse prendre sa place, il faudra combattre les préjugés dont il est toujours la cible. L'économie sociale et l'entrepreneuriat collectif sont encore trop souvent perçus comme étant un secteur d'activité "charitable" plutôt qu'un mode de développement économique en bonne et due forme qui s'applique à tous les secteurs d'activité économique.

Les coops survivent statistiquement beaucoup mieux que les entreprises privées, fournissent des emplois ancrés dans leur territoire, contribuant à une vitalité économique plus pérenne.

On manque d'exemples, dans les médias on n'entend que des noms de dirigeants d'entreprises privées, à quand un Dragons collectifs ?

Quand on dit économie sociale, il faut cesser de voir péjorativement le mot sociale. Le mot société vient du latin societas, qui signifie "union" ou "association". Il exprime, dans ses racines mêmes, que penser en individualiste dans un contexte social est antinomique. Même le mot économie revêt de nos jours une connotation de prospérité individuelle, alors qu'il vient du grec ancien oikonomia, référant à la gestion des affaires de la maison et du milieu.

Joints dans un ordre inversé, les mots société et économie illustrent parfaitement la différence fondamentale entre le modèle actuel, intenable, qui subordonne toute initiative aux impératifs économiques, et ce qui devra être le prochain modèle, qui mettra l'accent sur le bien-être de la population avant le profit personnel. Les deux mêmes mots, donc, mais dans un ordre différent : nous devrons passer d'une société économique à une économie sociale.

9. Faire son LIT

Précisons-le d'entrée de jeu : la souveraineté du Québec n'est pas un projet anticanadien. Pas plus qu'un Canada souverain face aux États-Unis n'est un projet antitétatsunien. Et il ne faut pas vouloir faire du Québec un pays à cause de ce que d'autres nous ont fait dans notre histoire, mais bien pour ce que nous voulons faire nous-mêmes de notre avenir.

Nulle autarcie ou renfermement sur soi, mais une affirmation et une ouverture sur le monde, basées sur trois choses :

  1. Voter nous-mêmes nos Lois
  2. Percevoir nous-mêmes nos Impôts
  3. Négocier nous-mêmes les Traités qui nous lient aux autres peuples du monde

Le parlement actuel n'est pas représentatif de la population & culture du Québec, mais décide des lois, perçoit une part significative des impôts, et négocie des accords internationaux.

La démocratie ne consiste pas à souhaiter qu'un autre peuple choisisse par hasard notre chemin préféré, elle consiste à tracer notre itinéraire nous-mêmes.

Quand ceux qui décident à la place du Québec prennent une décision avec laquelle il est d'accord, ça ne fait pas de lui un état libre : ça fait de lui un état dépendant momentanément moins frustré.

Alors que tous les pays du monde protègent jalousement leur souveraineté, le Québec se demande encore s'il a intérêt à s'en prévaloir. C'est une devinette enveloppée dans un mystère à l'intérieur d'une énigme, comme l'aurait dit Churchill.

Spectres brandis pour nourrir la peur de cette liberté :

Peur 1 : Économie

Le Québec n'est pas a priori "fragile" économiquement, il dispose d'un territoire riche en ressources, d'une population scolarisée, et son économie est prospère et diversifiée. Et surtout,

Tout ce que'il peut faire en ce moment en tant que province, il pourrait le faire en tant que pays. À l'inverse, tout ce qu'un pays peut faire ne peut pas être fait par une province. Quel statut devrions-nous donc craindre davantage pour l'avenir ?

[...]

L'économie du Québec s'effondrerait-elle à la suite de son accession au statut d'état souverain ? Demandons-le à des pays similaire qui l'ont fait dans le passé. La Suède et la Norvège se sont séparées au siècle dernier et n'en sont pas malheureuses, au contraire. Même des pays moins riches que le Québec, comme la République Tchèque et la Slovaquie, devenus souverains aux derniers jours de 1992, n'ont aucunement l'intention de revenir à leur statut précédent. Leur économie se porte plutôt bien, avec une croissance plus élevée qu'au Canada ces dix dernières années.

[...]

Connait-on à l'avance les conditions économiques d'un Québec souverain qui possèderait tous ses leviers ? Non. Mais on ne connait certainement pas davantage celles d'un Québec qui ne possède pas tous ses leviers ! Et bien qu'il soit difficile de quantifier le développement additionnel qui découlerait du fait de prendre toutes nos décisions économiques nous-mêmes, il est clair que cette autonomie décisionnelle ne pourrait qu'améliorer les choses.

Peur 2 : Le dollar canadien

Un Québec souverain ne s'écroulera pas par la monnaie. Le très libéral marché des devises lui offrira des options multiples. Utilisation d'une monnaie existante (à commencer par le dollar canadien, qui a tout à gagner à garder le Québec comme utilisateur), ou à plus long terme création d'une monnaie propre.

Peur 3 : Les finances publiques

Un Québec souverain sera l'occasion de rééquilibrer le déséquilibre fiscal (le fait que le Canada jouisse du fait de perçevoir plus d'impôts que ses responsabilités ne le dicteraient).

L'argument du partage de la dette canadienne n'en est pas un, le Québec en assumera une part à déterminer, comme il le fait déjà à travers les impôts.

Peur 4 : La péréquation

Ah, cette fameuse péréquation dont on brandit souvent le spectre comme argument final, comme si elle était une panacée et non une manière de compenser le Québec pour sa subordination. Est-il préférable de déléguer notre développement économique à d'autres intérêts en échange de la péréquation, ou de gérer nous-mêmes notre développement ? Poser la question, c'est y répondre.

D'abord, la péréquation n'est pas un système de transfert des provinces riches vers les provinces pauvres, mais plutôt une façon d'équilibrer les capacités fiscales de divers territoires pour que chaque citoyen puisse avoir idéalement accès aux mêmes services publics. La réalité canadienne des récentes années se résume ainsi : les provinces productrices de pétrole transfèrent une part de leur capacité fiscale aux provinces qui ne produisent pas de pétrole, incluant l'Ontario et le Québec.

Ensuite, de tous les bénéficiaires de la péréquation, le Québec est l'endroit où le paimenet par habitant est le plus faible (si l'on exclut l'Ontario, qui est récemment devenue bénéficiaire) [...]. Si les Québécois ont accès à plus de services enviables, c'est parce qu'ils paient plus d'impôts, point.

Le solde du Québec à l'égard du Canada varie dans le temps. À l'époque du référendum de 1980, pour ne citer qu'un exemple, le Québec donnait plus au Canada qu'il ne recevait. Actuellement, le pétrole a renversé la donne. Cette situation ne sera cependant pas éternelle : l'avenir énergétique ne passe plus par le pétrole. Le Québec a d'ailleurs tout à espérer sur ce plan, puisqu'il est une puissance potentielle en énergie verte.

En éliminant les milliards de dollars induits par des dédoublements de structures et de ministères, et en contrôlant lui-même ses politiques de développement économique plutôt que de se soumettre à celles d'autres intérêts, le Québec ne s'ennuierait certainement pas de la péréquation qui, au mieux, représente une compensation partielle pour les coûts réels de notre inclusion au système canadien.

J'utilisais à l'époque l'image suivante pour décrire la péréquation. Vous disposez de 50$ pour télécharger de la musique sur votre téléphone intelligent. Un voisin vous offre de prendre vos 50$ et d'investir pour vous 55$ dans un package de musique. À vue de nez, ça semble être une bonne affaire. Ce qu'il ne vous dit pas, c'est qu'il vous procurera de la musique dont vous ne voulez pas et qu'il y aura 10$ de frais d'administration. Vous vous retrouverez donc avec 45$ de musique plus ou moins digeste au lieu d'avoir simplement 50$ de musique à votre goût.

Peur 5 : Les pensions

Épouvantail,

Un Québec souverain garde son argent et se paye ses pensions. Il n'y a pas de choses telles que de l'argent "fédéral". Il ne tombe pas du ciel, il provient des contribuables, incluant ceux du Québec.

Peur 6 : L'armée

L'armée canadienne a été financée en partie par les impôts perçus au Québec. Un Québec souverain pourrait très bien décider de se doter de sa propre armée et aurait les moyens de la financer. En étant moins militariste que le Canada, il pourrait même faire des économies.

Peur 7 : Le G8

Comme c'est le gouvernement du Canada qui se présente au G8, avec ses propres intérêts en tête, on peut déjà dire que le Québec, dans les faits, n'en fait pas partie. La souveraineté ne ferait que reconnaître cette réalité : rien ne serait donc "perdu" pour le Québec.

[...]

L'appartenance à ce groupe n'est pas un gage de prospérité [...]. La Chine, le Brésil ou l'Inde, dont l'économie et l'importance sur le plan mondial sont en forte croissance, ne font pas partie du G8, qui représente en quelque sorte la "vieille garde" de l'économie mondiale.

Peur 8 : La tendance historique

On a réussi à convaincre faussement une partie de la population que l'apparition de nouveaux pays sur la carte est chose du passé, et que vouloir faire du Québec un pays irait à contresens de notre époque. Pourtant, les faits sont clairs : de plus en plus de pays souverains apparaissent dans le monde à mesure que les peuples affirment leur volonté d'autonomie politique.

[...]

Quant à l'argument européen de la tendance au rapprochement des pays plutôt qu'à leur souveraineté, rappelons que l'Union européenne est constituée de 28 pays souverains (le Royaume-Uni en fait toujours partie, techniquement) qui se sont regroupés sur une base essentiellement économique. Tous ces pays demeurent donc des états indépendants. Nous n'en sommes pas à une fédération dans laquelle des parlementaires britanniques, par exemple, pourraient décider des lois criminelles qui prévaudront en France.

Peur 9 : La petitesse

Nonsense, le Québec est un peuple de moyenne taille.

Nous ne sommes petits ni en taille ni en nombre, et surtout pas en créativité.

Peur 10 : La prochaine crise économique mondiale

Que ferait donc un Québec souverain si une autre crise économique mondiale devait survenir ? La même chose que tous les états souverains, c'est-à-dire qu'il utiliserait ses propres outils selon ses propres réalités et intérêts pour faire face à la crise. Le Québec est actuellement confronté aux mêmes enjeux que tous les pays occidentaux, mais il ne contrôle pas tous les leviers pour y répondre et ne peut participer aux tables internationales où les solutions potentielles sont abordées.

Peur 11 : L'union fait la force

Il faut distinguer l'union qui fait la force de l'union que la force fait. L'union qui fait la force est celle des états qui collaborent librement. Il ne s'agit pas simplement de dire que plus grand sera mieux, sinon pourquoi le Canada ne fusionne-t-il pas avec les États-Unis ? Si on proposait aux Canadiens de laisser les Étatsuniens voter leurs lois, percevoir leurs impôts et parler pour eux dans les forums internationaux, l'offre ne serait pas considérée très longuement. Pourquoi ce qui semble inconcevable pour le Canada ne le serait-il pas pour le Québec ?

Peur 12 : Le renfermement sur soi

Argument bancal : un peuple souverain parle aux autres peuples via les tables internationales auxquelles il siège à titre de pays, ainsi qu'à travers les ambassades sur son territoire et celles qu'il installe dans d'autres pays.

Peur 13 : L'état général du Québec

Il est naïf de vouloir d'abord "réparer" le Québec avant de souhaiter en faire un pays.

Si tous les peuples du monde s'étaient dit qu'il faut d'abord être parfait ou moins endetté avant d'être souverain, l'assemblée de l'ONU serait une salle vide.

Quand on a un caillou dans son soulier, on peut décider de nier son existence, s'entêter à adapter sa démarche pour réduire l'inconfort, ou simplement l'enlever pour marcher normalement.

Peur 14 : Le vieux débat

Est-ce parce que deux tentatives n'ont pas fonctionné, depuis 40 ans, qu'il faudrait passer à autre chose ? Combien de tentatives et de travail de conviction a-t-il fallu avant que les femmes n'obtiennent le droit de vote ? Devrions-nous passer à autre chose parce que la paix n'existe pas partout dans le monde, malgré plusieurs tentatives ? [...]

C'est un aspect fondamental d'une démocratie en santé que de pouvoir poursuivre une cause, peu importe les efforts et le temps qu'il faille y consentir pour la faire éventuellement gagner.

Nous ne sommes ni meilleurs ni moins bons

Le projet souverainiste n'est pas bâti sur un sentiment de supériorité, mais bien sur un désir de normalité. Sommes-nous meilleurs que nos voisins ? De toute évidence, oui, dans un domaine précis : savoir ce qui nous sied. Comme ils le sont de leur côté. C'est en fait une simple question de respect à l'égard de toutes les cultures, dont la nôtre.

On nous parle encore et toujours des risques de faire d'une province un pays, mais pourquoi ne parle-t-on pas autant des risques du statusquo provincial pour notre avenir collectif ?

[...]

Ceux qui disent qu'ils ne seront souverainistes que si le Québec est ceci ou cela acceptent mal les bases de la démocratie. C'est justement pour donner au peuple la liberté de choisir où il veut aller qu'on lui souhaite la souveraineté sur son territoire. Avant de choisir la gauche ou la droite, il faut pouvoir choisir; avant d'être à gauche ou à droite, il faut être.

La seule conclusion acceptable : l'espoir

Confiance en notre faculté à voir ce qui ne va plus, à dépoussiérer, réformer, revenir de nos exils, et mener à bien le changement collectif.

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